Champ lexical d'abime et abysse
Selon les rectifications orthographiques de 1990, il est recommandé d'écrire sans accent circonflexe : un abîmage, une abîmation, un abîme, abîmé, un abîmement, abîmer, s'abîmer.
Le Dictionnaire historique du français québécois indique un abimage dérivé d'abimer « mettre en mauvais état, causer du dommage » pour un dégât, un désordre, un ravage, et une abimation dérivé d'abimer quelqu'un, le couvrir de paroles injurieuses ou dénigrantes, pour une injure, un juron.
Un abime [on a aussi écrit abyme] est une cavité naturelle, aux parois abruptes, s'ouvrant au niveau du sol, sans fond apparent, considérée comme insondable ; un écart, un fossé entre des personnes ou des choses ; une perte, un désastre, des circonstances difficiles, voire tragiques ; ce qui est impénétrable, insondable, un mystère, une énigme.
• être au bord de l'abime : être dans une situation désespérée.
• en abime : au point central de l'écu, où une pièce ou une figure est placée de telle façon que les autres pièces ou figures ne sont ni chargées, ni même touchées par elle et qu'elles apparaissent en relief, celle en abime étant située comme au fond.
• une mise en abyme ou mise en abime : un procédé artistique ou littéraire qui consiste à répéter un élément à l'intérieur d'éléments similaires.
La signification de l'adjectif abimé, abimée, a évolué : jeté(e), plongé(e) dans un abime ; absorbé(e) par une activité ou une préoccupation ; qui a subi un dommage, une dégradation de sa valeur.
On a lu un abimement pour l'action de s'abimer dans ou de s'abimer en ; un état qui en résulte ; l'action d'abimer ; une détérioration.
Le sens, au 17ème siècle, du verbe abimer, jeter, plonger dans un abime, correspond à s'abimer : tomber, s'écrouler au fond d'une cavité, d'un creux de l'espace terrestre, marin, cosmique, de manière à disparaitre momentanément ou définitivement ; disparaitre comme par une chute dans un abime, un creux ; se laisser absorber par une activité ou une préoccupation de nature intellectuelle, spirituelle ou affective. L'expression s'abimer dans ses pensées signifie être absorbé par ses pensées.
Les autres sens du verbe abimer sont faire baisser la valeur d'une chose ou d'une personne en la dégradant, en lui causant ainsi un dommage total ou partiel, définitif ou momentané ; dégrader en rendant méconnaissable, ou inutilisable, ou en mettant dans un état voisin de la destruction ; priver quelqu'un de sa vitalité par une torture morale, l'accabler profondément ; anéantir quelqu'un par la critique publique ; dégrader quelqu'un dans l'opinion d'autrui par la médisance. D'où s'abimer pour être dégradé, rendu méconnaissable, ou inutilisable, ou mis dans un état voisin de la destruction.
Le Dictionnaire historique du français québécois indique abimer avec les sens de s’enfoncer (dans le sol, dans l’eau) de manière à disparaitre partiellement ou complètement ; s’écrouler, s’abattre, et s'abimer : s’affaiblir, s’épuiser, généralement par suite d’un excès de travail ; ainsi que les expressions :
• la sueur l’abime : elle l'inonde, elle le mouille, elle le trempe.
• abimer le sang : saigner abondamment, être couvert de sang.
• abimer d’eau, abimer l’eau : pour un canot, une chaloupe, faire eau, s’emplir d’eau.
• elle est abimée, il est abimé : est infesté(e).
• abimer quelqu'un : le couvrir de paroles injurieuses ou dénigrantes.
• abimer quelque chose : s’en prendre violemment à quelque chose par des paroles ou par des écrits.
• abimer quelqu'un de bêtises, d’injures, d’invectives, de malédictions, etc. : le couvrir d’injures, d’invectives, de malédictions, etc.
Notre mot français abîme, auparavant abisme, copie le latin abismus qui est un « faux-mot » étonnant. En effet, en latin le mot était abyssus mais on a trouvé que c’était plus convaincant si on y mettait un -isme qui faisait savant et même superlatif (-issimus !). Quant au vrai mot latin, le -y- montre qu’il a été emprunté au grec abussos, avec le a- privatif bien connu et le mot bussos ‘le fond de la mer’.
Le mot anglais chasm ‘abîme’ est une copie du grec chasma ‘ouverture béante, gouffre, abîme’, dérivé de notre mot chaos. Bref, on tourne en rond dans des creux tout au fond. Nous sommes, tant en anglais qu’en français et ailleurs, assez dépourvus puisque nous sommes obligés d’emprunter des mots anciens.
En savoir plus : Les billets de François Jacquesson.
Le nom (un) abime ou abîme vient du latin chrétien abyssus qui a servi, au 19ème siècle, à former le mot abysses (les régions les plus profondes des mers et des océans), le singulier, un abysse, étant parfois employé pour un abime. Le verbe abimer, abîmer est dérivé d'abime, abîme. En rapport avec le nom abime et après avoir éliminé abîmeux et abismal, abyssal a eu d'abord et surtout un emploi religieux. Voir aussi : abysse, abyssique, abyssobenthos, abyssopélagique.
L'adjectif abyssal, abyssale, qualifie ce qui est caractéristique d'un abime, d'un abysse ; ce qui est d'une profondeur non mesurable, comparable à celle d'un abime, d'un abysse ; ce qui appartient, ce qui est propre aux couches les plus profondes, c'est-à-dire les plus anciennes et les moins connues de la personnalité humaine. Le pluriel est abyssaux, abyssale. Ce mot est dérivé du latin chrétien abyssus « abime, abîme », attesté au sens propre de « espace immense, s'étendant entre le ciel et la terre et habité par Dieu », un emploi figuré fréquent en latin chrétien en relation avec hominum, judicia, consilium, cor, conscientia, corruptio... En rapport avec le substantif abime, abîme et après avoir éliminé abîmeux et abismal, abyssal a eu d'abord et surtout un emploi religieux. D'autres emplois sont possibles , mais ces emplois ont subi l'influence d'abysse. En rapport avec le substantif technique abysse, abyssal a pris à la fin du 19ème siècle, un sens technique en océanographie. Cet emploi second s'est imposé comme un sens propre. On remarque la spécialisation d'abyssal pour la faune, les sédiments et le relief des grandes profondeurs océaniques, et d'abyssique, un terme technique du 19ème siècle. Au début du 20ème siècle, abyssal a été utilisé pour désigner les recherches ayant pour objet l'exploration de l'inconscient. Associé à psychologie, il devient synonyme de psychanalyse ou psychologie des profondeurs. Le nom (un) abime vient du latin chrétien abyssus qui a servi, au 19ème siècle, à former le mot abysses, le singulier, un abysse, étant parfois employé pour un abime.
L'adjectif hypo-abyssal, hypo-abyssale, est relatif à de très grandes profondeurs. Le pluriel est hypo-abyssaux, hypo-abyssales.
Les abysses sont les régions les plus profondes des mers et des océans. Un abysse désignait un abime. Ce nom est emprunté au latin chrétien abyssus attesté depuis le 4ème siècle au sens « profondeur de la mer », attesté fréquemment au même sens en latin médiéval. Ce terme technique du vocabulaire de l'océanographie est entré tardivement dans la langue sous la forme plurielle, et s'emploie aussi au singulier.
Un terrain abyssique constituait les abysses des fonds océaniques anciens.
L'abyssobenthos est l'ensemble des organismes qui vivent à la surface ou dans les sédiments du plancher abyssal.
Une zone abyssopélagique est située à une profondeur comprise entre 2000 et 6500 m, la faune abyssopélagique y vit. Ce mot, composé d'abysse et de pélagique, semble être un néologisme d'auteur. Il risque de prêter à confusion : en effet, abysso- (abysse, abyssal) évoque la zone abyssale ou zone des eaux profondes, et -pélagique caractérise traditionnellement la zone de surface de haute mer ; entre la zone pélagique et la zone abyssale s'étend la zone bathyale : -pélagique fonctionne ici comme un suffixe formateur désignant la mer envisagée dans sa structure verticale.
Les dérivés abyssin et abyssinion sont aussi cités : CNRTL.
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