Champ lexical d'abriter

Le verbe abreyer ou abrier signifiait abriter ; recouvrir, dissimuler ; empêcher le vent de passer jusqu'à une autre voile. 

Le Dictionnaire historique du français québécois indique pour abrié ou abrillé : à couvert, protégé contre le vent, la pluie, les éléments ; recouvert de quelque chose qui protège, dissimule, etc. ; couvert, protégé par une couverture, un drap, etc. ; protégé, caché, mis à l’abri de critiques, du regard public, etc. : recouvert de, enrobé dans quelque chose qui en dissimule la vraie nature, qui en adoucit le caractère. 

Le verbe abrier ou abriller signifiait mettre à couvert, abriter contre le vent, la pluie, les éléments ; couvrir, recouvrir ; protéger, défendre, excuser quelqu'un en le couvrant de son autorité, de son influence. S’abrier derrière quelqu'un, derrière quelque chose : se protéger, se défendre, s’excuser en se dissimulant. Abrier ou s'abriller quelque chose, c'est le dissimuler, l'étouffer, empêcher qu’on en prenne connaissance.

 Le verbe abrier ou abreyer vient du bas latin apricare « chauffer, réchauffer par le soleil », en latin classique apricari « se chauffer au soleil », dérivé de l'adjectif apricus « exposé au soleil ». La notion de « chauffer au soleil » est liée à celle de « protection contre le vent, le froid, les intempéries »; par ailleurs l'emploi fréquent de apricus est en relation avec vinea, vindemia, uvae dont la culture est, en pays méditerranéens, souvent pratiquée en terrasse, à l'abri de murettes de pierre, et avec collis, pronus, révélant à la fois l'exposition au soleil et un relief constituant une protection d'où la notion de « protéger, abriter ». Bien que apricus ait été par fausse étymologie rapproché de apertus « ouvert », il n'y a pas incompatibilité entre apricus et la notion de « lieu couvert », d'où ensuite la notion de « couvrir, vêtir ». L'évolution sémantique est la même pour l'espagnol abrigar, glosé foveo. La forme abrier est soit d'origine méridionale ou des dialectes de l'ouest soit, plus probablement une interprétation du roman au stade abrigare de l'évolution phonétique, comme a-/brigare (à comparer avec l'ancien français desbrié « privé d'abri », l'anglais debrier).

 Très vivant en ancien et moyen français et encore au 16ème siècle, le verbe abrier tend cependant dès cette époque à sortir de l'usage et est remplacé par la locution mettre à l'abri ; abri donne naissance au verbe moderne abriter. Cependant, si le mot est vieux au sens général, il prend dès le 18ème siècle des acceptions techniques toujours vivantes au 19ème sinon au 20ème siècle en horticulture et comme terme de marine.

Un abrifou ou abri-fou est un voile tenu au-dessus de la tête des mariés pendant la bénédiction nuptiale. Ce terme dialectal du Centre et de l'Ouest est composé d'abri et d'un second élément d'origine incertaine, voir : CNRTL. 

Un abri-galant ou abri galant était une sorte de manteau d'homme. Il semble que ce nom composé d'abri et galant, s'applique à une mode masculine en vogue sous la Restauration. 

Un abri-sous-roche est en géologie et en préhistoire, la partie inférieure d'un escarpement, protégée par des roches surplombantes, moins profonde qu'une véritable caverne.

Une institution abritante, un lieu abritant constituent un abri agréable et intime à la manière du foyer familial. Des feuilles abritantes sont abaissées vers la terre, et semblent abriter les fleurs situées au-dessous d'elles.

L'adjectif abrité, abritée, signifie à l'abri, par opposition à inabrité, inabritée.

Un abritement se disait de l'action de s'abriter.

Le verbe abriter signifie mettre à l'abri, s'abriter, c'est se mettre à l'abri. Ce verbe dérivé d'abri, devenu courant à la fin du 18ème siècle, a remplacé tardivement abrier qui a conservé son usage en horticulture et en marine.

Un abrivent ou abri-vent est un dispositif qui abrite du vent ou des intempéries. Ce nom est formé d'abri et vent, plutôt que d'une forme du verbe abrier. 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Champ lexical d'abréger

Des locutions latines

Les mots avec aa